Le Japon ébranle le monde de l’informatique en corrigeant un des plus grands problèmes des ordinateurs quantiques : le bruit

Date:

Une potion magique pour les qubits avec cette percée japonaise.

Jusqu’à présent, construire un ordinateur quantique fiable relevait davantage de l’alchimie que de l’ingénierie, notamment à cause du bruit, ces perturbations invisibles qui ruinent la moindre opération. Il fallait jusqu’ici multiplier les qubits, les couches de correction et les tours de passe-passe mathématiques pour espérer obtenir un résultat exploitable.

Une équipe japonaise vient de réduire de trente fois le coût temporel de ce processus, tout en divisant la taille nécessaire du système.

Lire aussi :

Le Japon trouve une solution au problème du “bruit” dans les ordinateurs quantiques

Un qubit (prononcé kubit) est l’unité de base de l’information dans un ordinateur quantique, comme le bit dans un ordinateur classique.

Sauf qu’un bit classique ne peut valoir que 0 ou 1.
Un qubit, lui, peut être 0, 1… ou les deux à la fois (c’est ce qu’on appelle la superposition). Imagine une pièce lancée en l’air : elle est à la fois face et pile jusqu’à ce qu’elle retombe. Le qubit, c’est un peu ça, mais dans le monde quantique.

Et ce n’est pas tout : deux qubits peuvent aussi être liés entre eux, même à distance, comme s’ils “se parlaient” instantanément. C’est ce qu’on appelle l’intrication.

Grâce à ces deux propriétés, un ordinateur quantique avec quelques qubits peut traiter certaines informations beaucoup plus rapidement qu’un ordinateur classique avec des milliards de bits.

Le hic ? Ces qubits sont extraordinairement capricieux. La moindre variation thermique, un photon égaré ou une vibration non prévue, et paf : erreur de calcul. Résultat, pour obtenir des opérations fiables, on est obligé de passer par des architectures dites tolérantes aux fautes. Et au cœur de ce dispositif, on trouve… les états magiques.

La France ferait bien de s’inspirer de l’Allemagne si elle veut avancer sur la fusion nucléaire en incitant des partenariats public/privé

Qu’est-ce qu’un état magique, au juste ?

Un état magique n’a rien de surnaturel, mais sans lui, impossible de corriger correctement les erreurs dans un circuit quantique universel. Ces états quantiques ultra-purs sont nécessaires pour manipuler les qubits d’une manière qui conserve l’intégrité de l’information, même en présence de bruit.

Le problème, c’est qu’en produire un seul coûte cher en qubits, en temps de calcul et en énergie. D’où l’importance de la méthode dite de distillation magique : on prend plusieurs états bruités, on les combine savamment, et on en extrait un plus propre. À condition d’avoir beaucoup de matière première.

Les Japonais prennent tout le monde à revers

Leur idée semble presque trop simple : ne pas monter en complexité, mais redescendre à la base. L’équipe de l’université d’Osaka a conçu un circuit de distillation qui opère au niveau zéro, c’est-à-dire directement sur les qubits physiques, sans passer par les couches logiques abstraites utilisées jusqu’ici.

Ce choix leur a permis de réduire drastiquement la quantité de qubits nécessaires, tout en simplifiant la construction du circuit. Ainsi le traitement devient trente fois plus rapide dans certaines simulations.

Moins de qubits, plus d’espoir

Grâce à cette approche, on n’a plus besoin de fermes de qubits interconnectés sur des kilomètres carrés. Les chercheurs estiment que cette réduction d’échelle permettrait à des machines beaucoup plus modestes d’atteindre le niveau de correction d’erreur suffisant pour des applications réelles.

Dans leurs tests, les coûts spatiaux (en nombre de qubits) et temporels (en cycles de traitement) ont été divisés par des facteurs allant de 10 à 30. On passe donc de la cathédrale quantique à l’église de village : plus modeste, mais fonctionnelle.

Un pas vers l’informatique quantique industrielle

En simplifiant l’étape la plus contraignante de l’architecture quantique : la distillation, cette méthode ouvre la voie à des prototypes industriels plus rapidement exploitables. On parle ici de progrès en modélisation climatique, en simulation de matériaux, ou en cryptographie post-quantique.

Rappelons que certaines projections estiment qu’un ordinateur quantique universel nécessiterait au moins un million de qubits physiques pour faire tourner quelques centaines de qubits logiques utiles. Avec cette nouvelle méthode, on pourrait ramener cette échelle à quelques dizaines de milliers, un objectif plus atteignable dans les dix à vingt prochaines années.

La Suède lève le voile sur un vieux mystère de la fission nucléaire : pourquoi les noyaux atomiques ne se brisent jamais en deux parts égales ?

Et maintenant ?

L’étude, publiée dans PRX Quantum, ne signe pas la fin des défis techniques, mais elle marque un tournant dans la course à la tolérance aux fautes. Les auteurs, Tomohiro Itogawa et Keisuke Fujii, insistent sur le potentiel de ce saut qualitatif (et quantitatif) : plus besoin de magie noire, juste une bonne maîtrise du bruit et quelques milliers de qubits bien dressés.

Si vous rêvez d’un ordinateur quantique fiable, capable de modéliser le repliement d’une protéine ou de casser une clé RSA en un clin d’œil, le Japon vient peut-être de raccourcir le chemin de quelques années-lumière !

Source :

Efficient Magic State Distillation by Zero-Level Distillation
Tomohiro Itogawa, Yugo Takada, Yutaka Hirano, Keisuke Fujii1,2,3,4

PRX Quantum 6, 020356 – Published 20 June, 2025

DOI: https://doi.org/10.1103/thxx-njr6

Notre site est un média approuvé par Google Actualité.

Ajoutez Media24.fr dans votre liste de favoris pour ne manquer aucune news !

Nous rejoindre en un clic
Suivre-Media24.fr

Eric GARLETTI
Eric GARLETTIhttps://www.eric-garletti.fr/
Je suis curieux, défenseur de l'environnement et assez geek au quotidien. De formation scientifique, j'ai complété ma formation par un master en marketing digital qui me permet d'aborder de très nombreux sujets.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles connexes

Notez bien le nom de cette ville française ! Elle est appelée à devenir la capitale mondiale de l’impression 3D dans le domaine du...

Framatome imprime le futur dans la Drôme. Un hangar flambant neuf, des bras robotisés qui dansent autour de pièces...

Première mondiale et véritable exploit pour la recherche chinoise avec la preuve d’existence d’un atome kamikaze qui se suicide en trois temps

L’atome kamikaze d’aluminium-20 qui explose en trois temps. Un atome qui se suicide en trois étapes, c'est possible ça...

Un géant français au pays de Dracula ! VINCI passe à la vitesse supérieure en Europe de l’Est en rachetant le roumain EnergoBit

À Cluj, l’électricité a une odeur de métal chaud et d’ambition française. Quand on arrive chez EnergoBit, ce n’est...

Les plages de Nouvelle-Aquitaine sont attaquées par la galère portugaise qui peut provoquer d’intenses brûlures

La menace invisible des physalies sur les plages basques. Chaque été, les plages françaises accueillent leur lot de vacanciers,...